La diversité corporelle : des enjeux de société et une alerte pour les marques !
Sept Québécois sur dix (71 %) se sentent à l’aise avec l’idée d’être en surpoids.
De plus, on assiste à une constante tendance à la hausse de notre indicateur depuis une dizaine d’années. La tolérance au surpoids n’a cessé d’augmenter au cours de la dernière décennie, passant d’un peu plus d’une personne sur deux en 2011 (54 %) à sept sur dix en 2021 (71 %).
Des croissances annuelles presque constamment répétées sur dix ans.
Une tolérance croissante face au surpoids
Québec, 2011-2021, Étude Panorama
Notons par ailleurs qu’il y a beaucoup plus de Québécois qui se disent « plutôt » en accord avec l’affirmation (56 %) que « tout-à-fait » en accord (15 %). Ce qui relativise la portée de cette tendance, d’autant plus que la description est déjà assez nuancée (« avoir quelques kilos en trop »). Cependant, la croissance fulgurante de notre indicateur de près de vingt points sur dix ans (+18) est quand même très significative, peu importe les nuances qu’on peut apporter à sa mesure.
Une tolérance croissante face au surpoids
Québec, 2011 et 2021, Étude Panorama
Cette tendance devient aussi d’autant plus significative lorsqu’on explore comment ont répondu les différents groupes d’âges sur cette question au cours de ces dix dernières années (l’âge étant le seul critère sociodémographique qui introduise des différences importantes aux niveaux des réponses).
Deux forts mouvements se dessinent chez ceux qui assument le leadership de cette tendance, même si un peu tout le monde est davantage en accord avec l’énoncé, comparativement à voilà dix ans.
Un certain laisser-aller en vieillissant
Les générations âgées de 55 ans et plus laissent observer des croissances marquées de 2011 à 2021 d’individus « plutôt » en accord avec l’énoncé, ce qui nous donne des progressions de vingt points et plus pour l’ensemble des gens en accord avec ce dernier, pour la période, chez ces groupes d’âges. Les deux exemples suivants sont fort éloquents à cet effet…
Une tolérance croissante face au surpoids
Québec 2011 et 2021, Étude Panorama
Chez les 45-54 ans en 2011 et les 55-64 ans en 2021 (les mêmes générations)
D’ailleurs, plus on avance en âge, plus les générations deviennent plus tolérantes face à leur poids…
Une tolérance croissante face au surpoids
Québec 2011 et 2021, Étude Panorama
Chez les 55 ans et plus en 2011 et les 65 ans et plus en 2021 (les mêmes générations)
Une tolérance croissante face au surpoids
Québec 2011 et 2021, Étude Panorama
Chez les 18-24 ans en 2011 et les 28-34 ans en 2021 (les mêmes générations)
À cet égard, l’époque actuelle, un nouveau contexte socio-culturel, nos valeurs, sont aussi en jeu dans cette nouvelle légitimité du surpoids.
L’attitude des nouvelles générations d’aujourd’hui est fort éloquente à ce sujet (les 18-24 ans en 2021 comparativement aux 18-24 ans en 2011).
Une tolérance croissante face au surpoids
Québec 2011 et 2021, Étude Panorama
Chez les 18-24 ans en 2011 et les 18-24 ans en 2021 (différentes générations)
Pour peu d’une légère croissance de l’ensemble des jeunes qui sont en accord avec notre énoncé (de 71 % à 76 % entre ceux de 2011 et ceux de 2021), les plus en accord quant à eux, présentent une différence de 22 points (16 % en 2011 et 38 % en 2021).
C’est donc dire que les nouvelles jeunes générations d’aujourd’hui sont vigoureusement en accord, comparativement au reste de la population, avec cette légitimité d’une certaine surcharge pondérale.
On assiste donc à un changement de paradigme. Les nouvelles générations expriment un rapport à leur corps tout-à-fait différent des générations précédentes. Il en va de leurs valeurs, de leurs cordes sensibles et de leur vision de la vie.
Des jeunes porteurs de nouvelles valeurs
Des nouvelles valeurs qui se diffusent progressivement dans l’ensemble de la société.
Il est vrai que d’un côté, cette légitimité nouvelle d’une certaine surcharge pondérale peut poser un enjeu de santé publique. Mais aussi, et particulièrement chez les jeunes générations d’aujourd’hui, elle est aussi le signe d’un mouvement d’expression personnelle, valorisant la singularité de chaque individu dans la société, peu importe son poids, son âge, sa race, son sexe, son orientation sexuelle ou de genre.
Lorsqu’on croise les résultats de notre énoncé sur ces « quelques kilos en trop » avec les valeurs personnelles mesurées par notre programme Panorama, il est clair qu’il s’agit ici d’une quête d’épanouissement personnel, laquelle s’oppose au carcan des normes sociales et qui valorise toutes les formes de diversité (corporelle, ethnique, sexuelle, etc.).
Au-delà les enjeux de santé, ce qui est plus important ici, c’est le bonheur des gens, le sentiment d’être bien dans sa peau, d’être accepté de tous, pour ce que l’on est et non pour sa conformité aux stéréotypes dont nous inondent les médias.
Fondamentalement, c’est cette quête d’épanouissement et de valorisation du pluralisme social qui expliquent principalement cette progression fulgurante sur dix ans de l’acception de ces « quelques kilos en trop ».
En dépit, d’une sous-culture toxique de maigreur extrême chez les jeunes que l’on peut retrouver sur les médias sociaux (sur Instagram notamment), la grande majorité d’entre eux ne s’inscrivent pas dans cette mouvance, privilégiant plutôt l’expression de soi, de sa singularité.
Une alerte et une opportunité pour les marques
Ce mouvement d’expression personnelle s’exprime quand même en dépit d’une forte pression de la part des médias, des annonceurs et des marques, qui nous bombardent quotidiennement d’images stéréotypées valorisant des représentations du corps qui peuvent être un peu loin des gens que l’on croise dans la rue !
Ils entretiennent en grande partie cette mythologie d’un corps qui se veut « parfait » (il est vrai aussi que consciemment ou non, les gens en redemandent, ayant culturellement été conditionnés pour cela). On pourra éventuellement leur reprocher d’emprisonner les consommateurs, notamment les plus jeunes, dans des modèles qui leur empoisonnent la vie.
L’opportunité pour les marques est certainement de se montrer plus en phase avec l’authenticité des gens, de valoriser davantage, dans le casting de leur communication visuelle, une plus grande diversité corporelle. De montrer que l’on s’adresse à tous, à chacun, peu importe sa différence ou sa singularité (à condition bien sûr que leur offre soit pertinente pour ces derniers).
Cependant, cette orientation doit aussi tenir compte de l’audience à laquelle les marques s’adressent. Si ces dernières rejoignent toujours majoritairement des clientèles qui valorisent énormément ces images stéréotypées d’hommes et de femmes aux corps sveltes, la transition vers l’authenticité pourra se faire attendre, même si le marché et la société se dirigent dans une direction opposée. Tendance qui risque de les rattraper un jour quand même.
Encore une fois, bien connaître ses audiences sera clé quant à la pertinence de sa production de contenu, afin de bien connecter avec leurs valeurs.